Résumé :
Cette thèse propose de suivre la trajectoire d’instruments de musique non-européens acquis en période coloniale pour les musées parisiens. Elle questionne ainsi les effets de la patrimonialisation de ces objets d’usage, aux provenances et aux contextes d’acquisition variés, sur leur conservation matérielle depuis leur acquisition à la fin du xixe siècle jusqu’à nos jours. La mise en collection de biens culturels entraîne l’instauration de nouveaux gestes parfois très éloignés de ceux qui étaient employés pour leurs usages antérieurs. Ceux-ci témoignent des nouvelles fonctions attribuées à l’objet dont la conservation matérielle devient primordiale. La patrimonialisation des instruments de musique suscite des questionnements spécifiques liés à l’évocation, au maintien, voire à la réactivation de leur fonctionnalité. Pour les collections non-européennes, cette appréhension complexe se double de problématiques liées au fait de conserver, présenter et valoriser un objet culturellement éloigné du professionnel et du visiteur. Les parcours de ces instruments déplacés, intimement liés au développement de l’ethnologie et à l’histoire coloniale française et européenne, soulèvent des questions complexes tant du point de vue de l’histoire des collections que de celui des politiques publiques. En se fondant sur l’analyse historique et matérielle d’un corpus de luths conservés au Musée de la musique (Cité de la Musique – Philharmonie de Paris) et au musée du quai Branly – Jacques Chirac, acquis à partir de 1872 par le musée Instrumental du Conservatoire national de musique et le musée d’ethnographie du Trocadéro, ce travail explore les liens entre traces muséales et mémoires coloniales. Le geste du praticien ne pouvant être dissocié du contexte dans lequel il intervient, cette thèse vise à repositionner les pratiques muséales dans leurs contextes historiques et institutionnels. La trace matérielle devient alors le témoin du regard porté sur ces instruments et éclaire l’histoire muséale des collections issues de contextes coloniaux à l’heure où de nouvelles réflexions, portées par les débats sur leurs acquisitions, visent à une prise en charge éthique de ces biens culturels.
Composition du jury :
Noémie Étienne, Full professor, University of Vienna, Rapportrice
Julie Verlaine, Professeure, Université de Tours, Rapportrice
Martin Guerpin, Maître de conférences, Université d’Évry Paris-Saclay, Examinateur
Benoît de L’Estoile, Directeur de recherche, musée du quai Branly – Jacques Chirac, Examinateur
Anis Meddeb, Maître de conférences, Université de Tunis, Examinateur
Saskia Willaert, Conservatrice, Musée des Instruments de musique de Bruxelles, Examinatrice
Anaïs Fléchet, professeure, Sciences Po Strasbourg, Directrice de thèse
Alexandre Girard-Muscagorry, conservateur du patrimoine, Musée de la musique (Cité de la musique-Philharmonie de Paris), Encadrant de thèse
Stéphanie Elarbi, conservatrice-restauratrice, musée national d’Art moderne (Centre Pompidou), Encadrante de thèse