Résumé :
Le blanc de zinc (ZnO), pigment moderne développé à la fin du XVIIIe siècle en tant qu’alternative non toxique au blanc de plomb, a été adopté dans la peinture à l’huile au milieu du XIXe siècle. Initialement utilisé aux côtés du blanc de plomb, son pouvoir couvrant plus faible et sa brillance en ont fait un pigment de choix pour les mélanges de couleurs, les points lumineux, mais aussi les empâtements et les préparations. Cependant, il peut provoquer des problèmes de conservation, par exemple en raison de la formation de savons de zinc. Connaître ce pigment est donc crucial pour les études techniques des œuvres d’art et leur conservation.
Cette thèse explore les propriétés et l’emploi des peintures à l’huile à base de blanc de zinc de l’échelle nano- et microscopique jusqu’à l’échelle macroscopique des œuvres d’art. Deux axes de recherche sont investigués par l’analyse de plusieurs types de matériaux complétée avec des recherches documentaires et une enquête auprès des professionnels du patrimoine : l’étude des propriétés physico-chimiques du blanc de zinc et de l’ampleur et des modalités d’emploi du pigment.
Le premier axe est abordé à travers l’analyse, à l’échelle nano- et micromètrique, d’un large corpus, unique et varié, de matériaux d’artiste historiques et modernes des fabricants européens et américains principaux, et d’une sélection d’échantillons issus d’œuvres, qui sont comparés à des matériaux de référence et des modèles de peinture. Plusieurs types de techniques d’analyse sont utilisés, allant de méthodes de laboratoire conventionnelles (microscopie optique et électronique, DRX) jusqu’à de larges instrumentations telles que l’accélérateur de particules AGLAE (PIXE, IBIL) et le synchrotron ESRF (DRX à haute résolution angulaire). Plusieurs composés ont été identifiés dans les matériaux de peinture, ce qui met en évidence certaines pratiques et adulterations des fabricants de couleurs. L’hydrozincite, probable produit de dégradation du ZnO, a été identifié dans plusieurs échantillons. Cette étude met en montre, parmi les matériaux historiques et modernes, des différences de composition, de taille des particules de ZnO et de comportement de luminescence. La morphologie et la taille des particules de ZnO et la pureté des matériaux analysés suggèrent une synthèse par méthode indirecte. La variété des comportments de luminescence, affectés également par d’autres facteurs liés au pigment et à son environnement, est, au contraire, plus difficile à interpréter.
Le deuxième axe est abordé à partir des campagnes de fluorescence X sur une cinquantaine d’œuvres analysées in-situ dans les musées, et l’étude détaillée d’une sélection de peintures au laboratoire. Cette recherche explore différents emplois du pigment à partir d’exemples précoces jusqu’à la moitié du XXe siècle, et constitue une véritable base de données des œuvres qui contiennent du blanc de zinc. En outre, l’étude souligne les limites de l’identification du blanc de zinc, notamment sur la seule base des analyses non-invasives de fluorescence X. L’intérêt d’un protocole non-invasif pour l’identification du pigment basé sur sa photoluminescence a été mis en valeur, ce qui est complémentaire à l’emploi de la cathodoluminescence pour l’étude invasive de matériaux de peinture.
Cette recherche constitue donc une référence sur les propriétés physico-chimiques et l’emploi du blanc de zinc, offrant des informations sur l’histoire matérielle du pigment et des œuvres d’art modernes en ouvrant des perspectives sur la conservation et l’authentification des œuvres
Composition du jury :
Victor Etgens, directeur, chef du département Recherche, C2RMF
Johanna Salvant, encadrante, ingénieure d’études, C2RMF
Daniela Comelli, rapporteur, associate professor, Politecnico di Milano
Klaas Jan van den Berg, rapporteur, professeur, University of Amsterdam et scientifique du patrimoine, Cultural Heritage Agency of the Netherlands (RCE)
Yves Dumont, examinateur, professeur, UVSQ – Université Paris-Saclay
Sigrid Mirabaud, examinateur, scientifique du patrimoine, Ministère de la Culture
Austin Nevin, examinateur, professeur et chef de la conservation, Courtauld Institute of Art, Londres
Anne Robbins, membre invitée, conservatrice peinture, musée d’Orsay